Porteuse du programme : Marie Dejoux
Autres participants : Pierre-Anne Forcadet (associé), Vincent Martin (associé), Liêm Tuttle (associé)
Argumentaire : Que Louis IX ait été immortalisé rendant la justice sous son chêne de Vincennes plutôt que présidant son tout jeune Parlement de Paris ne doit rien au hasard. Le succès de l’image d’Épinal, allusion pourtant fugace de Joinville, est le reflet direct de l’engouement depuis le XVIe siècle des historiographes et des historiens pour les nombreuses Vies hagiographiques du saint, au détriment des sources de gouvernement du roi. Si l’on exclut ses actes, qui attendent toujours d’être édités, les sources judiciaires du règne ont pourtant fait l’objet d’une édition précoce, dès le XIXe siècle. On pense bien entendu aux célèbres Olim, longtemps fossilisés comme les « premiers registres du Parlement » ou aux fameuses enquêtes de réparation de 1247, considérées par les historiens méthodiques comme la preuve par l’archive de l’amour du monarque pour la justice. Érigés au rang de monuments nationaux, ces documents ont ainsi été savamment contournés jusqu’à leur dépouillement récent, principalement lors de thèses de doctorat d’histoire ou d’histoire du droit, soutenues ces sept dernières années. Les modalités du recours au Parlement de Paris, sa justice pénale, la paix du roi ou encore la pratique de l’enquête sous Louis IX ont ainsi été éclairées d’un jour nouveau, sans qu’un effort pour rassembler ces découvertes n’ait encore été tenté. C’est ici tout l’enjeu : écrire un ouvrage de synthèse sur ce qui était, en ce milieu du XIIIe siècle, l’un des chemins privilégiés par le pouvoir royal pour se forger une légitimité et une souveraineté nouvelles et l’un des jalons importants de la construction d’un État de droit en France. Dans un ordre juridique morcelé, il s’agissait essentiellement de convaincre les sujets d’en appeler à des tribunaux royaux alors en plein déploiement et à une justice en cours d’élaboration et de première formalisation. Pour ce faire, le pouvoir royal mit en exergue des procédures présentées comme équitables ou réparatrices : l’appelatio, l’inquisitio, la requête, la réparation des forfaits royaux ou la prise en charge de la paix. Pour capter ces « consommateurs de justice » exigeants qu’étaient les habitants d’un royaume de France en pleine crise de croissance, tout passage en force était alors impossible, comme le montre l’échec de l’affaire Enguerrand de Coucy. Il fallait donc séduire en montrant le monarque comme un roi soucieux de rendre une justice équitable et accessible à tous. Incarnée aujourd’hui par le chêne de Vincennes, cette promotion inédite de la justice royale fut portée par des voies qu’il convient aujourd’hui de mettre à leur tour en lumière.