Projet scientifique
L’objectif majeur de ce thème ou champ de recherche est l’étude des actions de l’homme sur la matière et sur l’environnement. Ces actions sont envisagées sous l’angle des réalisations elles-mêmes, dans leur diversité et leur évolution morphologique. Elles sont considérées dans leur rapport à un milieu, qu’il s’agisse d’en exploiter les richesses ou de se dégager des contraintes qu’il impose. Elles sont, enfin, abordées à travers l’analyse des moyens mis en œuvre : savoirs et savoir-faire ; techniques de production et techniques organisationnelles. Du fait de cette attention à la matérialité des faits historiques, le recours à l’archéologie est évident (archéologie du bâti, des lieux de production et des aménagements terrestres et fluviaux, de la construction navale et maritime) même si une approche croisée (avec la documentation écrite et les sources iconographiques et cartographiques, ethnographiques) est privilégiée. Au LaMOP, les recherches conduites sur ce vaste thème se développent autour de deux objets principaux (Constructions et Ressources) susceptibles de multiples interactions. La question du vocabulaire a, depuis plusieurs années, particulièrement retenu l’attention des chercheurs de ce laboratoire. En raison des possibilités d’échanges entre disciplines qu’il présente, il a été isolé sous le titre « Vocabulaires de spécialités ».
Porteurs : Danielle Arribet-Deroin et Philippe Bernardi.
A ce thème participent huit chercheurs et enseignants chercheurs du laboratoire (D. Arribet-Deroin, Ph. Bernardi, Ch. Fletcher, H. Noizet, E. Rieth, N. Thomas, E. Vagnon-Chureau et M. Viré) et douze doctorants (E. Afane, J.-Y. Blot, E. Bouticourt, L. Ceccantini, O. de Châlus, Ch. Cloquier, C. Del Cairo Hurtado, A. Grille, A. Rey da Silva, G. Roquefort, C. Sabathier, C. Villien).
Six stagiaires ont, au cours de ces dernières années, travaillé sur ce thème au LaMOP (A. Antonini, C. Castrucci, J.-D. Delle Luche, J. Domenge, D. Gherdevitch, A. Melo).
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Constructions
Ici sont prises en considération les constructions au sens large, qu’elles soient terrestres ou fluvio-maritimes, les deux se rejoignant, au-delà de la réflexion commune menée sur le vocabulaire, la pensée technique ou les conditions socio-économiques du transfert technique, sur la question des aménagements portuaires et celle de la construction comme sur celle du recours au matériau bois. Ce programme se structure autour de trois séminaires uniques dans leurs domaines : séminaire d'Archéologie nautique médiévale et moderne ; séminaire d’Histoire de la construction, séminaire Les carrières et la construction (voir la liste des séminaires pour cette année et les archives des séminaires).
Constructions navales
En matière d’architecture fluvio-maritime, ce programme s'est appuyé sur plusieurs opérations archéologiques, conduites avec la collaboration du Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (MCC), qui ont permis de caractériser, notamment, une architecture fluvio-maritime du littoral Manche/mer du Nord à la fin du Moyen Âge en relation avec une géographie nautique particulière à ce territoire de navigation, de contribuer à l’élaboration d’un catalogue de « signatures architecturales » propres aux chantiers navals méditerranéens ou encore de définir les différentes origines de la « transition architecturale » intervenue en Méditerranée occidentale et orientale à partir de la fin du Ve siècle et conduisant, suivant des processus d’évolution ou de rupture des savoirs et savoir-faire techniques, à l’architecture navale médiévale dite « sur membrure première ». Le projet envisagé pour le prochain plan quinquennal, outre la publication de plusieurs ouvrages (monographie de la fouille de l’épave d’Epagnette, histoire de l’architecture navale du XVIe siècle, glossaire archéologique de la batellerie médiévale et moderne) et la poursuite des opérations archéologiques en collaboration avec le Drassm, sera notamment orienté vers l’établissement d’un catalogue de « ignatures architecturales » propres aux chantiers navals ponantais (Atlantique, Manche, mer du Nord) suivant un principe similaire à celui adopté pour l’espace nautique méditerranéen. Par ailleurs, un projet d’archéologie navale expérimentale d’un navire à clin du XIe siècle est en cours d’élaboration. Il devrait associer des étudiants en archéologie médiévale de l’Université Paris 1. En matière d’architecture terrestre, les recherches conduites en 2012-2017 ont consisté majoritairement en deux programmes.
Charpentes médiévales
Charpentes anciennes s’inscrit dans le prolongement d’une recherche menée conjointement avec des laboratoires des universités de Gênes et de Barcelone sur l’histoire des techniques de charpenterie développées au Moyen Âge dans un arc méditerranéen allant de Ligurie en Catalogne. L’étude des techniques médiévales de charpentes a, au cours de ces dernières années, emprunté des voies et des formes diverses. L’un des modes d’approche majeur développé consiste à s’intéresser au vocabulaire technique contenu dans la documentation écrite. Ces travaux ont fait l’objet de plusieurs interventions dans des colloques et de publications. Ils contribuent aussi à un autre aspect de cette recherche qui consiste, dans le cadre de notre laboratoire, en l’encadrement de deux thèses de doctorat dont l’une a été soutenue en 2014 (et publiée, Émilien Bouticourt, Charpentes méridionales. Construire autrement : le midi rhodanien à la fin du Moyen Âge, Arles, Honoré Clair, 2016.) et une autre en cours (Laura Ceccantini, « La place de la charpente dans les constructions civiles médiévales en Bas-Languedoc »). Conjointement, un atelier de recherche a été mis en place sur les planchers médiévaux avec pour objectif de réunir les spécialistes de ce domaine autour des questions concrètes posées par le relevé et l’analyse de ces structures. Les recherches portant sur le décor de ces charpentes, engagées depuis plusieurs années, se sont également poursuivies à travers les activités liées à l’association de recherche sur les plafonds peints médiévaux (créée et présidée par des membres du LaMOP) et les liens tissés avec le GAHOM dans le cadre de l'Atelier Condorcet « domestication de l’image ». Ce programme est appelé à se poursuivre dans le cadre de l’achèvement et de la mise en ligne d’un Dictionnaire raisonné du vocabulaire de la charpente méridionale (XIIIe-XVIIIe siècles), envisagé comme un mode d’approche des techniques de charpenterie, en lien étroit avec les études archéologiques et iconographiques conduites. Des collaborations doivent être encore recherchées, dans cette phase finale du programme, auprès de collègues linguistes. Il s’agit là de l’achèvement d’un travail de longue haleine et ce n’est qu’une fois cette opération achevée que d’autres perspectives de recherche seront envisagées.
Dynamique urbaine et construction
Dynamique urbaine et construction consiste en un groupe de travail constitué par l’association de trois équipes – française, belge et portugaise – visant à croiser l’histoire des techniques et l’histoire urbaine. Il a bénéficié d’un double financement européen, via les programmes PHC (Pessoa et Tournesol), qui ont permis d’organiser cinq rencontres internationales en 2014-2016 (2014, Paris ; 2015, Paris, Bruxelles et Braga ; 2016, Paris). La réflexion conduite au cours de ces rencontres a mis en valeur l’importance de quatre grandes thématiques (morphologie de l'habitat urbain parcellaire et bâti ; systèmes productifs, transport et commercialisation ; âges de la ville, typologie du bâti et choix des matériaux ; acteurs intervenant dans la construction urbaine) autour desquelles nous sommes en train de bâtir le programme d’un colloque prévu à Albi en 2018. La réflexion conduite dans ce cadre est aussi à l’origine de la co-organisation par le LaMOP, le Centro Internazionale di Studi sugli Insediamenti Medievali (CISIM), en collaboration avec le Corso di laurea in Comunicazione internazionale per il turismo dell’Università di Torino et le Centro Internazionale di Ricerca sui Beni Culturali, du colloque international « Le pietre delle città medievali. Materiali, uomini, tecniche (area mediterranea, secc. XIII-XV)/Les pierres des villes médiévales. Matériaux, hommes, techniques (aire méditerranéenne, XIIIe-XVe siècles) » (PDF, 214ko) (à Turin et Cherasco les 20-22 octobre 2017). Plusieurs chercheurs et doctorants français et étrangers ont, dans le cadre de ces recherches, été accueillis au LaMOP pour des séjours de plusieurs mois (C. Castrucci, J. Domenge, A. Melo, E. Rabasa, A. Antonini).
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Ressources
Si la question des ressources est assurément liée à celle des constructions, elle la dépasse amplement et mérite, à ce titre d’être abordée pour elle-même. Le programme Dynamique urbaine et construction fait clairement le lien entre ces deux volets du thème. Il en va de même pour le séminaire « Les carrières et la construction » qui, dans son titre même, les articule : on peut aussi ranger parmi les activités conjointes l’organisation d’une école d’été (Rome, septembre 2016) consacrée au réemploi en architecture. Au-delà du domaine de la construction, la question des ressources a été un objet central du séminaire de recherche « Histoire et archéologie des techniques au Moyen Âge et à l’époque moderne » (2013-2014). Elle est portée principalement par deux programmes qui ne se présentent pas comme des initiatives propres de notre laboratoire mais dans lesquelles ce dernier a été fortement impliqué.
Le marché des matières premières
Il s’agit, en premier lieu, de celui concernant Le marché des matières premières dans le bassin méditerranéen. Antiquité-Moyen Âge (initié à la fois par l’EFR, la Casa de Velázquez, le LaMOP et l’université Cà Foscari de Venise). Son objectif était d’éclairer l’organisation sociale des marchés en faisant le point sur les conditions de circulation et de commercialisation des matières premières durant l’Antiquité romaine comme au Moyen Âge. Trois rencontres se sont déroulées entre 2013 et 2015 (« Les lieux des échanges et du stockage », Rome, 25-26 octobre 2013 ; « La circulation des matières premières : routes, moyens, acteurs », Madrid, 23-24 octobre 2014 ; « les acteurs et l’organisation des marchés », Venise, 12-13 novembre 2015). Elles ont permis de proposer un premier bilan des connaissances accumulées sur le commerce des principales matières premières étudiées par les antiquisants et les médiévistes.
Les aluns de Méditerranée en Europe à la fin du Moyen Âge
Le programme, objet d’un Groupement de recherche International du CNRS et intitulé Les aluns de Méditerranée en Europe à la fin du Moyen Âge : Exploitation of Mediterranean Alums in Europe, EMAE (GDRI n°811), a été initié en 2014 et achevé en 2017. Il avait pour objectif d’étudier les conditions de production, de commercialisation et d’échange des aluns artificiels, utilisés par les Occidentaux entre XIIIe et XVIe siècles, au moment où s’impose une production industrielle d’alun d’alunite, commercialisée par les marchands italiens dans l’ensemble de l’Europe. Le Groupement réunit, outre le LaMOP, le Centre d’études supérieures de la Renaissance, l’École Franҫaise de Rome, l’Università degli Studi di Roma « La Sapienza » , l’Università degli Studi di Siena, l’Università degli Studi di Sassari, l’Université de Gand, le Max-Planck-Gesellschaft Zur Förderung Der Wissenschaften de Berlin et l’Universitat de València. Trois angles d’approche ont été privilégiés qui ont fait l’objet de plusieurs rencontres : l’étude des conditions de production de l’alun ; l’étude des acteurs et des moyens de la circulation de l’alun ; l’étude des usages de l’alun. La plupart de ces activités sont présentées sur le site : https://aluns.hypotheses.org.
Cisterciens et exploitation des ressources
Ce programme s’inscrit dans une thématique ancienne du LaMOP, portée par les travaux du professeur Paul Benoit et de ses étudiants. Cette dernière a donné lieu à un des colloques faisant partie des manifestations de la commémoration pour la fondation de l’abbaye de Clairvaux en 2015 publié en 2019 sous le titre L’industrie cistercienne (XIIe-XXIe siècle), ainsi qu’à un numéro spécial de la revue Cîteaux Commentarii cistercienses (n° 71, 2020) consacré au dossier « Les cisterciens et l’eau » en hommage à Paul Benoit.
L’objectif du programme est de poursuivre la réflexion sur l’industrie cistercienne à l’époque médiévale et moderne. Il s’agit de caractériser les activités de production de biens matériels par monastères cisterciens, principalement les objets issus de la transformation de ressources naturelles sans s’interdire de s’intéresser aux activités agro-pastorales, qu’elles fournissent les matières premières d’activités artisanales ou des ressources alimentaires.
Les questions principales sont les suivantes : quelles sont les ressources exploitées et par quelles abbayes ? Leur exploitation relève-t-elle d’une stratégie ou d’un choix opportuniste et dans quelle mesure chaque monastère se spécialise-t-il dans un type de ressources ? A quelles fins ces ressources sont-elles exploitées : pour les besoins du monastère ou avec une distribution plus large, par la vente soit par le don ? Ces activités distinguent-elles les monastères cisterciens des autres ordres monastiques et des autres propriétaires terriens (seigneurs laïques ou ecclésiastiques) ? Ces questions ouvrent sur une approche quantitative, pour évaluer à la fois le prélèvement des ressources et la production, et le poids que ces productions tiennent dans l’économie du monastère et dans l’économie locale.
Le programme s’appuie sur l’exploitation des sources écrites, iconographiques et archéologiques. Dans le but de rassembler et de mettre à disposition les documents écrits relatifs à cette question, une base de données est mise en place et sera mise en ligne. Il a vocation à associer les chercheurs d’horizons divers et pourra s’appuyer sur certains programmes en cours, notamment le PCR « Paysages et architecture des monastères cisterciens entre Seine et Rhin (XIIe-XVIIIe siècles) » financé par le SRA Grand-Est. Il est porté par Danielle Arribet-Deroin (LaMOP) et Benoît Rouzeau (Trame, Université de Picardie Jules Verne) et par Pierre Brochard pour la conception et la réalisation de la base de données. Il a donné lieu à deux journées d’études, le 15 octobre 2020 et le 17 septembre 2021, d’autres suivront selon un rythme annuel. -
Vocabulaires de spécialités
Transversalement aux programmes présentés ci-dessus mais les dépassant aussi par la participation de chercheurs du LaMOP extérieurs à ceux-ci, une réflexion collective est menée sur les « Vocabulaires de spécialités », au cours d’ateliers organisés mensuellement sur le site de Villejuif depuis 2015. Cette recherche a pour objet d’examiner la formation et les usages des vocabulaires médiévaux propres aux différents champs de recherche. À travers des exemples précis tirés de sources souvent inédites provenant des recherches propres aux différents intervenants, la question de la construction des termes techniques, de leur origine linguistique mais aussi de leur application pratique, est posée de manière extrêmement variée au cours de séances réunissant de diverses disciplines autour d’un intervenant. Plusieurs problèmes ont pu ainsi être abordés : la spécificité linguistique locale de certains termes, mais aussi la question de leur traduction dans d’autres sources contemporaines ; l’utilisation métaphorique d’un vocabulaire technique dans un autre contexte ; le rapport problématique entre un terme trouvé dans des sources textuelles et l’objet ou le mécanisme qu’il désigne ; la transmission de ce vocabulaire jusqu’aux dictionnaires de l’époque moderne et les évolutions des significations d’un mot, etc. Le programme Vocabulaires de spécialités (voir aussi les archives des séminaires) s’est inscrit dans la lignée des séances de séminaire sur « Cultures de l’écrit et techniques », organisées en 2013 et 2014. Il a toutefois, par nature, vocation à construire des liens avec les autres champs, ce dont atteste la diversité des participants. Chaque séance est suivie d’un résumé et/ou d’une bibliographie mis en ligne sur le site du LaMOP, avec pour horizon la publication d’un ouvrage de synthèse.